Faire un vin de terroir le plus naturel possible
Les plateaux calcaires du domaine sont situés sur la 8 ème terrasse du Lot, terroir de plateau marno-calcaire blanc, tendre de l’oligocène-Miocène. Ce sont des terres très pauvres sur sol fracturé, en résumé, un terroir exceptionnel !
En 1989, on a planté les chênes truffiers,quelques 8 000 arbres. Puis, il y a quelques années, dans un souci de diversification et de recherche d’équilibre et de vie des sols, on a semé entre les rangées d’arbres truffiers, le blé truffier, vous savez celui qui pousse au milieu de truffières sur ce sol caillouteux où soi-disant rien ne pousse.
Et maintenant, comme il restait un peu de place entre les arbres, on a planté de la vigne ! Quoi de plus naturel me direz-vous !
Bien sûr, avant on avait fait quelques essais. En 2007, on avait planté quelques dizaines de pieds pour voir comment ils réagissaient au contact des truffiers.
La première surprise fut de constater que la vigne, ainsi mélangée au milieu des arbres et de la flore sauvage, pousse bien, ce qui n’était pas gagné au départ. Et les truffiers quant à eux, en concurrence avec la vigne, au lieu d’être stériles comme on nous l’avait prédit, semblent redoubler d’énergie si bien que la production de truffes a augmenté au voisinage des pieds de vigne.
L’ autre surprise fut d’admettre que la vigne, si elle n’est pas concentrée sous forme de monoculture, n’est pas malade ! C’est comme les enfants qui vont à l’école, ils ont tous la varicelle ou la rougeole en même temps, car il y a concentration d’une même population du même âge, sensible aux mêmes microbes au même moment. Mais un enfant qui vit à l’écart a moins de chance d’être touché ( j’en parle en connaissance de cause, notre fille est scolarisée à la maison et est passée au travers). Donc pour en revenir à la vigne, en dix ans, nous n’avons pas eu d’attaque d’oïdium ni de mildiou. Donc pas de traitements ! C’est le principe de la polyculture adopté par les anciens
Alors, on poursuit l’expérience. En 2014, on a planté 500 pieds de Malbec (le cépage local du Cahors), en 2015, 600 pieds de Savagnin (ça c’est plus exotique, ça vient du Jura et ça fait des vins blancs que j’adore).
En 2016, on saute le pas et on y va pour de bon : on a planté 9500 plants de vigne. Et quel cépage me direz vous ? Euh, ben aucun, on a juste planté le porte greffe. Et qu’est ce qu’on va greffer ? Eh bien, on ne sait pas encore, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y en aura plusieurs car on va faire de la complantation comme aime à le défendre Jean-Michel Deiss.
Juin 2017, force est de constater que vigne, truffier, lavande et blé, est une association de cultures qui fonctionne. Objectif, avoir un sol vivant par la biodiversité des cultures et aucun traitement. Pas de labour, pas de travail du sol, on aggrade les sols en préservant toutes les strates de vers de terre( accroissement de la biomasse), tous les champignons aériens et souterrains qui contribuent à l’équilibre des sols. Le désherbage se fait mécaniquement à l’intercep, aucun intrant chimique dans le sol, favorisant le développement de la flore sauvage ( sainfoin, millepertuis, lotier, camomille, orchidées sauvages, marguerites, coquelicots …) et par extension, la prolifération de papillons de toutes les couleurs et des abeilles. D’ailleurs, nous avons installé des ruches en bordure de champs et nous continuons chaque année à planter des lavandes. Et puis, les lièvres, les chevreuils et les oiseaux ne s’y trompent pas ! Ils préfèrent notre biotope à la monoculture de notre voisinage !
La truffe est l’un des tout premiers éléments de la reconstruction d’une forêt dans un écosystème perturbé.
Elle use de ses charmes et attire de nombreux animalcules qui abandonnent leur forêt pour se nourrir du précieux champignon : ce sont eux qui reconstruisent le sol afin qu’une nouvelle forêt de chênes et de fruits, parcourue de lianes et de vigne puisse s’épanouir.
Comprendre l’écologie de la truffe et de la vigne, apprendre à agencer sa vigne et ses truffiers. Appréhender le fonctionnement des plantes pérennes et leur rôle dans la construction de la fertilité des sols.
Comprendre la place de l’arbre dans les systèmes agricoles, son fonctionnement, ses auxiliaires et ses services. Découvrir quelques principes techniques généraux de l’aménagement agroforestier.
Voilà nos différentes pistes de réflexions.
Mai 2022 , parcelle la Crête : 15 cépages de rouge complantés au milieu des arbres truffiers et du blé. Des tuteurs ont été installés pour faire des treilles de vigne.
Sur la parcelle Saint-Jean, plusieurs centaines de pieds de vigne de cépages modestes et oubliés, ont été plantés aux pieds de pruniers Datil, vieille variée de pruniers qui a quasiment disparue. Les arbres serviront de tuteur naturel à la vigne. Le blé truffier semé sur couvert végétal au milieu des vignes, permet d’augmenter la condensation et capte la rosée du matin, procurant une réserve hydrique salvatrice en été.
Le Rouge Truffier
Malgré la sécheresse, malgré l’appétit des chevreuils et la razzia des étourneaux sur nos vignes, notre première cuvée voit le jour en 2022 : vendanges manuelles, tri hyper sélectif sous l’œil vigilant de notre fils Louis-Dominique, mise en foudre des grappes, macération de 2 mois en barrique.
Nous avons opté pour un tri méticuleux de la vendange, grain par grain en conservant le pédicelle, pour garder l’intégralité de la baie et faciliter ainsi la macération carbonique.
Ce vin de garde vieillira tranquillement sous le berceau en pierre bâti spécialement pour lui en 2018, au milieu de nos plus belles pièces de jambon.