Il y a quelques jours, je me suis autorisé à me demander (sur X, Facebook et Linkedin) ce que faisait Guillaume Gomez, bras droit du Président Macron pour la gastronomie.
C’est son « Ambassadeur et représentant spécial pour la gastronomie, l’alimentation et les arts culinaires » (rien que ça) et il s’est rendu au Japon avec le second groupe laitier français derrière Lactalis (qui produit notamment les fromages de haute gastronomie au lait pasteurisé comme Caprice des Dieux, Tartare et bien d’autres).
Je précise tout de suite que je n’ai rien contre Monsieur Guillaume Gomez, et que je trouve sa fonction auprès du Président de la République tout à fait louable.
Cependant, je m’interrogeais :
« Est-ce que Guillaume Gomez est ambassadeur de la gastronomie ou de l’industrie agro-alimentaire ?
En tout cas, il est le symbole de l’omniprésence de l’industrie agroalimentaire dans la gastronomie. »
Monsieur Gomez, droit dans ses baskets et du haut de sa fonction diplomatique, m’a vertement répondu en ces termes :
Monsieur Gomez a dégainé les termes qui tuent : alimentation plus engagée, souveraineté alimentaire, juste rémunération de la production.
Revenons un peu dessus :
Une alimentation plus engagée grâce à l’industrie agroalimentaire ? Vous le pensez vraiment ?
La première réponse qui me vient à l’esprit tient en deux mots « Ah bon », mais je vais quand même développer un petit peu.
En quoi l’industrie agroalimentaire est-elle vraiment engagée, à part son propre profit et celui de ses actionnaires :
Pour l’écologie ? En incitant à produire toujours moins cher du lait de vaches nourries au soja sud-américain.
Pour la santé ? Avec des produits contenants des dizaines d’additifs dont certains sont classés cancérigènes par l’OMS.
La pédagogie ? Par les produits ultra transformés, l’industrie déculture nos enfants qui pensent que le lait est produit par une brique et que les pommes de terre poussent sur les arbres déjà sous forme de frites.
Aller vers une souveraineté alimentaire grâce à l’industrie agroalimentaire ? Vous le pensez réellement?
Depuis 70 ans, le développement exponentiel de l’industrie agroalimentaire (avec l’aide active des pouvoirs publics) est allé de pair avec une industrialisation de l’agriculture et notamment de la filière lait qui est maintenant totalement dépendante du soja américain. Cette même filière dont vous faites la promotion au Japon et ailleurs, ne répond à aucun des défis environnementaux, économiques et sociaux.
Aller vers une juste rémunération de la production grâce à l’agroalimentaire ? Vous le pensez sérieusement ?
Pendant que notre industrie agroalimentaire se développe, le nombre des agriculteurs a été divisé par 3 en 40 ans (et le nombre de fonctionnaires pour les contrôler multiplié par 2).
Un tiers des agriculteurs restants vit en dessous du seuil de pauvreté.
Je vais prendre un seul exemple : une baguette tradition de 250 g coûte 1,40€ et contient 150g de farine soit 180g de blé qui est payé au producteur 21 cts/kg. C’est à dire que dans une baguette à 1,40 € seulement 3,8 cts revient au producteur de blé soit 2,7%.
En résumé, si la filière agroalimentaire et distribution payait deux fois plus aux producteurs, la baguette augmenterait seulement de 2,7%.
Et les agriculteurs au lieu de se suicider sous la pression des banques et de la suradministration (1 à 2 suicides d’agriculteur chaque jour en France) seraient heureux de produire mieux.
Voici un chantier à travailler pour vous.
Alors non, Monsieur Gomez, je ne pense pas que la France doive se passer de son industrie agroalimentaire, mais je pense que celle-ci doit s’améliorer.
Et surtout, je pense que l’industrie agroalimentaire, ce n’est pas de la gastronomie, c’est même l’opposé.
Nous pouvons en débattre quand vous voulez.
Sur mon action pour la gastronomie ?
J’essaye tout simplement de donner le bon exemple.
« Rien n’est si contagieux que l’exemple ; et nous ne faisons jamais de grands biens ni de grands maux qui n’en produisent de semblables. » François de La Rochefoucauld
Je fais de la cuisine avec des viandes et légumes de haute qualité que je produis sur mon domaine ou que j’achète directement à des producteurs locaux.
Quand je parle de qualité, je parle de qualités : écologique, sociale, pédagogique, nutritionnelle, gustative, esthétique et bénéfique pour la santé.
Et puis je fais quelques préparations gastronomiques qui, à leur modeste échelle, peuvent parfois participer au rayonnement de la France comme notre jambon de Porc Gascon, issu de notre engagement et de notre savoir-faire artisanal et familial.
Un produit que vous retrouvez sur notre boutique en ligne.
Merci d’avoir lu cette lettre, il me tenait à cœur de la partager avec vous.
Patrick Duler
Fondateur de la Maison Duler
P.S. : Régulièrement, je vous livre un regard original sur les dérives industrielles de l’agriculture et de toute la filière agroalimentaire. Je mets en lumière cet égarement qui débute dans les coopératives agricoles pour atteindre même les restaurants étoilés et les guides gastronomiques.
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