Soyons honnête 30 secondes :
Je suis sûr que si je lançais une interrogation écrite là tout de suite et vous demandais la différence entre poulet IGP, poulet Label Rouge, poulet bio, poulet français et poulet fermier, la moitié de la classe serait recalée.
C’est dramatique, la majorité des consommateurs est devenue complètement ignare au sujet de ce qu’ils mettent dans leur assiette et celle de leurs enfants.
Les gens sont perdus dans les rayons des supermarchés et ne savent même plus faire la différence entre un bon et un mauvais poulet.
Néanmoins, je le concède :
Il y aurait moins de confusion si les producteurs et distributeurs arrêtaient de multiplier les marques, labels et autres calembredaines marketing.
Sans parler des petits coups de bluff publicitaires exhibant de beaux poulets joyeux qui dansent dans les prés. C’est la magie du marketing.
On alimente les rêves urbains de poulaillers où se mêlent coqs dominants et poulettes qui pondent à même la paille, alors que les poulets sont déprimés, se défèquent les uns sur les autres par manque d’espace et se mangent le bec.
Aujourd’hui, l’écrasante majorité de la population de poulets en France est regroupée dans des hangars qui accueillent plus de 300 000 volatiles. Et les dispositifs sont très précis. Certains sont mieux logés que d’autres. Je vais vous faire un petit tour rapide des principaux :
Poulet standard sans label :
C’est le poulet auquel on habitue les masses. Bourré aux hormones de croissance et aux antibiotiques. Élevé en claustration sur une durée de 35 à 40 jours. À 25 poulets par mètre carré, ils sont plus serrés que les vacanciers sur les plages du Cap d’Agde un 10 août. Passons à la suite.
Poulet Fermier Label Rouge :
Déjà, ils ont un peu plus d’espace et ne se font pas caca les uns sur les autres avec 11 poulets au m². Ils sont élevés 81 jours minimum, en “plein air”. Alors, attention, on est loin du poulet qui gambade dans les prés du matin au soir. “Plein air” ça veut juste dire qu’on leur ouvre les portes de la prison quelques heures par jour, et qu’ils peuvent aller jouer dehors. Encore que “jouer” est un bien grand mot, car ils n’ont que 2 m² par poulet et la terre disponible oscille entre bouillasse l’hiver, poussière l’été et béton le reste de l’année).
Poulet Bio :
C’est la Rolls-Royce des poulets industriels. 81 jours d’élevage minimum, 10 poulets par m², élevés en plein air avec 4 m² chacun pour se dégourdir les jambes. Ils sont nourris à 95 % avec des céréales provenant de l’agriculture biologique. C’est mieux que leurs camarades, mais bon on est toujours loin du mythe du poulet de basse-cour, qui chante le matin aux aurores, court après les poules et fait le coq.
Je pense vous avoir bien dégrossi le tableau.
Personnellement, le seul poulet que je consomme, c’est celui que Nicolas nous livre. Ça n’arrive que 2 fois par an, car il élève ses poulets en liberté, sous les arbres, pendant près de 180 jours. C’est deux fois plus long qu’un poulet bio standard.
Quand Nicolas nous appelle pour nous livrer quelques dizaines de volailles, je les attends avec impatience, et je planifie déjà les menus du restaurant autour de ce graal.
Cette semaine, il nous livre ses superbes « Chapons Loupés ».
Ce sont des chapons qui ont été mal castrés, mais qui, loin de perdre en qualité, atteignent un beau poids de 4 à 5 kilos vif, avec une chair plus riche et généreuse. J’ai demandé à Pascale d’en mettre quelques-uns sur la boutique en ligne pour vous. Si vous voulez en profiter, c’est ici :
Le Chapon Loupé de Nicolas
Patrick Duler
Fondateur de la Maison Duler
P.S. :Régulièrement, je vous livre un regard original sur les dérives industrielles de l’agriculture et de toute la filière agroalimentaire. Je mets en lumière cet égarement qui débute dans les coopératives agricoles pour atteindre même les restaurants étoilés et les guides gastronomiques.
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